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Page créée le 03 novembre 2005

 

Les carnets de René

 

La biographie de  l'équation E = mc  2 est loin d'être complète.

La remarquable illustration qu'en donne le documentaire fiction diffusé par Arte le dimanche 16 octobre (Une  biographie de l'équation E = mc2, de Gary Johnstone) pourrait  connaître bientôt un nouveau chapitre passionnant.

Au laboratoire  d'optique appliquée (LOA), commun à l'Ecole nationale supérieure de  techniques avancées (Ensta), à l'Ecole polytechnique et au CNRS, de  Palaiseau (Essonne), Gérard Mourou se rapproche du moment où il pourra  faire jaillir de la matière à partir du vide...      

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 "Le  vide est mère de toute matière", lance-t-il  avec une certaine jubilation. A l'état parfait, "il contient une quantité gigantesque de  particules par cm3... et tout autant  d'antiparticules". D'où une somme nulle qui conduit à cette  apparente absence de matière que nous nommons... le vide. De quoi  contester la définition du dictionnaire pour lequel, depuis le  XIVe siècle, ce dernier est un "espace qui n'est pas occupé par de la  matière". C'était compter sans l'antimatière et sans la  célèbre formule E = mc  2, qu'Albert Einstein a déduit de la relativité restreinte il y  a cent ans, en 1905.

Pourquoi  inverser cette formule en produisant de la matière à partir du vide ?

Pour  Gérard Mourou, les applications iront de la création d'une nouvelle  microélectronique relativiste à l'étude du Big Bang et à la possibilité de  simuler des trous noirs. Ce qu'il nomme la "lumière extrême" permet de  développer la protonthérapie, capable d'attaquer des tumeurs sans  détériorer les cellules environnantes, une "pharmacologie nucléaire" et la  possibilité de contrôler la radioactivité d'un matériau avec un simple  bouton. Sans parler de la fabrication d'accélérateurs extrêmement compacts  pouvant concurrencer les gigantesques installations du CERN de Genève. La  maîtrise de la lumière est donc loin d'avoir atteint ses limites. Le LOA  travaille avec le laser, l'un des aboutissements les plus spectaculaires  des découvertes qui ont valu à Albert d'Einstein le prix Nobel en  1921.

Gérard Mourou  a joué un rôle majeur dans l'augmentation de la puissance de ce rayon de  lumière cohérente obtenu pour la première fois en 1960. En 1985, il a mis  au point une méthode baptisée chirped  pulse amplification (CPA) (Le Monde du 8 juin 1990). "Du jour au lendemain, nous avons fabriqué une  source qui tenait sur une table et dont l'intensité égalait celle  d'installations de la taille d'un terrain de football",  explique Gérard Mourou.

VAGUE  DÉFERLANTE

Les physiciens butaient depuis une vingtaine d'années sur l'apparition de phénomènes non  linéaires aux intensités d'environ 1014 W/cm2  (W/cm2) qui dégradaient l'onde et provoquaient la destruction  des solides dans lesquels naissaient les lasers. Gérard Mourou utilisait  des sources produisant des impulsions très courtes (picoseconde, soit  10 ­ 12 secondes), dont l'une des caractéristiques était de  contenir une large gamme de fréquences. "Pour résoudre le problème, avant d'amplifier  l'impulsion, nous l'avons étirée en ordonnant les photons",  indique le chercheur qui, pour expliquer la CPA, utilise l'analogie d'un  peloton de cyclistes face à un tunnel. Pour éviter un blocage lors d'un  passage de front, il faut ralentir certains coureurs avant  l'obstacle.

Gérard Mourou  procède de même avec les fréquences. Après les avoir séparées, il impose  des parcours différents à chaque couleur à l'aide d'un réseau de  diffraction. Après l'amplification de chaque fréquence, il "suffit" de  réaliser l'opération inverse afin de retrouver une impulsion au profil  identique mais beaucoup plus intense. Avec la CPA, l'intensité s'est  remise à grimper pour atteindre... 1022 W/cm2  aujourd'hui, 1024 W/cm2 en  2006.

"Jusqu'à  une certaine valeur de l'intensité, la composante magnétique de l'onde  incidente reste négligeable par rapport à sa composante  électrique'', explique  Gérard Mourou. Mais à partir de  1018 W/cm2, elle exerce une pression sur  l'électron." Ce dernier, jusque-là soumis à une simple "houle",  se trouve soudain emporté par une vague déferlante qui l'entraîne jusqu'à  lui faire atteindre sa propre vitesse, c'est-à-dire celle de  la lumière. On entre alors dans l'optique non linéaire relativiste. Les électrons arrachés transforment leurs atomes en ions qui "tentent de retenir les électrons, ce qui crée  un champ électrique continu, c'est-à-dire électrostatique, d'une intensité  considérable". On transforme ainsi le champ électrique  alternatif de l'onde lumineuse incidente en champ électrique  continu.

Ce phénomène "extraordinaire" engendre  un champ titanesque de 2 teravolts par mètre (1012 V/m).  "Le CERN sur un mètre...",  résume Gérard Mourou. A 1023 W/cm2, le champ  électrostatique atteindra 0,6 petavolt par mètre (1015 V/m)...  

A titre de  comparaison, le Stanford Linear Accelerator Center (SLAC) accélère les  particules jusqu'à 50 giga-électronvolts (GeV) sur 3 km. "En théorie, nous pourrons faire de même sur  une distance de l'ordre du diamètre d'un cheveu", assure le  chercheur. En son temps, Enrico Fermi (1901-1954) estimait que, pour  atteindre le petavolt, l'accélérateur devrait faire le tour de la  Terre.

"Les  électrons poussés par la lumière finissent par tirer les ions derrière  eux", poursuit M.  Mourou. Désormais, la barque entraîne son ancre. La lumière initiale a  engendré un faisceau d'électrons et d'ions. Le LOA est parvenu à accélérer  des électrons jusqu'à des énergies de 150 méga-électronvolts (MeV) sur des  distances de quelques dizaines de microns. Il compte d'abord pousser  jusqu'au GeV, et "beaucoup plus loin  ensuite".

MINI-BIG  BANG

Parallèlement  à ce développement qui pourrait, à terme, concurrencer les grands  accélérateurs de particules, Gérard Mourou se dit très proche, toujours  grâce aux énormes intensités lumineuses obtenues, de "claquer le vide", c'est-à-dire de  faire apparaître "quelque chose" là où il n'y avait rien en apparence. En  réalité, il ne s'agit pas d'une opération magique mais, "simplement", de faire apparaître  ce qui était invisible. L'objectif théorique est une intensité de  1030 W/cm2. Pour obtenir cette valeur, les  physiciens considèrent le vide comme un diélectrique, c'est-à-dire un  isolant. De la même façon qu'une intensité trop forte fait "claquer" un condensateur, il est  possible de "claquer le  vide". Mais que se passera-t-il alors ? Quelles particules  étranges jailliront-elles du vide ? Là encore, le mystère est éventé. Il  s'agira d'un couple électron-positron. Une particule et son antiparticule,  qui sont les plus légères et donc celles qui, selon la formule d'Einstein, réclameront le moins d'énergie pour apparaître. Et ce minimum est  également parfaitement connu : 1,022 MeV.

Ainsi, tout  semble prêt pour que la matière fasse sa première apparition à partir du  vide dans un laboratoire. Ce mini-Big Bang pourrait même se produire avant  les 1030 W/cm2. M. Mourou pense qu'en faisant appel  à des rayons X ou gamma, il serait possible de ramener ce seuil aux  alentours de 1023 à 1024 W/cm2. Or c'est  justement l'objectif du LOA pour les prochaines  années.

Michel  Alberganti

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